Paul Vannier, membre de la commission Éducation du Parti de Gauche, est intervenu lors de la visite de Corinne Morel-Darleux à Orléans le jeudi 15 mai à propos des incidences du pacte de responsabilité sur l’avenir de l’école. Voici ses notes, ainsi qu’une vidéo de 13 minutes sur une intervention similaire dans un village de la Marne en février dernier.
École et austérité, l’association peut paraître paradoxale après que le candidat, puis le président Hollande, n’ait cessé d’affirmer que l’école serait « sanctuarisée », que ses moyens seraient même renforcés et rappelez vous en, il martelait l’annonce de la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale.
Tous ces beaux discours, toutes ces promesses, comme celle de la lutte contre la finance, se sont envolées avec la mise en œuvre de la politique gouvernementale, plus encore après les annonces du Pacte de responsabilité, que nous appelons nous au Front de Gauche, Pacte d’austérité.
Rien en effet, pas même l’école « sanctuarisée », ne peut échapper aux conséquences de coupes dont le niveau, 50 milliards d’euros, dépasse celui de l’ensemble des baisses de la dépense publique réalisées par tous les gouvernements de droite depuis celui de Balladur (Juppé, Raffarin, Villepin, Fillon…).
Loin des promesses de campagne, l’austérité frappe donc très durement l’école et tous les acteurs de la communauté éducative.
Les enseignants d’abord. Soumis depuis 2010 au gel du point d’indice, le blocage de leurs salaires leur a déjà couté près de 8% de baisse du pouvoir d’achat. Après l’annonce par le Premier ministre Manuel Valls du maintien du gel du point d’indice jusqu’en 2017, nous pouvons évaluer la baisse du salaire réel à près de 15%. Quant au salaire net, il est en baisse en raison des prélèvements supplémentaires imposés notamment par les réformes des régimes retraites. Un professeur certifié échelon 6 voit son salaire net diminué de 28 euros par mois entre 2010 et 2014. Son salaire réel 142 euros. Paupérisation, déclassement de certaines de milliers d’enseignants qui débutent aujourd’hui leur carrière à 112% du SMIC.
Par ailleurs, l’austérité conduit à remettre en cause l’embauche des professeurs et l’on lit dans la presse que les créations de postes dans l’Éducation nationale pourraient se limiter à 20 000 en lieu et place de 60 000 annoncées. Terra Nova, dont on sait la proximité avec le PS, propose par exemple de limiter les créations à 45 000. Or rappelons que les suppressions de postes réalisés par Sarkozy s’élevaient à 80 000 tandis que les besoins sont aujourd’hui croissant en raison d’une démographie scolaire particulièrement dynamique. En 2014, pas moins de 63 000 nouveaux élèves entreront dans les écoles et établissements. À la rentrée 2015, ce seront 53 000 jeunes supplémentaires.
Bien évidemment ce sont les élèves qui sont les premières victimes de cette politique. Classes surchargées, dédoublement non assurés, options qui ne sont plus proposées, enseignements disciplinaires rabotés d’heures officiellement prévues par les textes.
Enfin les parents sont confrontés à la remise en cause de l’un des principes fondateur de l’école républicaine : la gratuité scolaire. La réforme des rythmes scolaires qui permet aux maires de rendre payant l’accès au temps périscolaires conduit les familles à devoir débourser 20 euros par an à Lyon mais 20 euros par mois dans certaines communes pour permettre à leurs enfants de rester à l’école. Ailleurs c’est l’augmentation des impôts locaux qui permettra aux communes de supporter le cout considérable de cette réforme dans un contexte de diminution très forte des dotations de l’État aux collectivités locales (-1,4 milliards dans le budget 2014, 10 milliards de 2015 à 2017).
L’austérité non seulement donc diminue l’école, la qualité de l’enseignement qu’elle dispense, mais elle transforme profondément sa nature.
Remise en cause de la gratuité, avec la réforme des rythmes scolaires, remise en cause également du principe d’égalité avec la territorialisation de l’école. Dans un contexte de diminution de la dépense publique, l’État transfert des compétences toujours plus grandes aux collectivités. Aux communes la mise en œuvre du temps périscolaire, aux régions la carte de la formation professionnelle. Dans le contexte de diminution drastique des dotations de l’État aux collectivités, ce transfert ne peut aller qu’avec la « rationnalisation » de l’offre de formation, c’est-à-dire la fermeture d’une partie des filières de l’enseignement professionnel dans les régions qui n’auront pas les moyens de les financer.
Dans le même temps il revient désormais au chef d’établissement de gérer la pénurie des moyens qui lui sont alloués. Ainsi dans chaque collège, chaque lycée, il faut, chaque année, déshabiller Paul pour habiller Jacques, faire le choix de sacrifier telle matière pour sauver telle autre. Demain c’est aussi l’ensemble du régime indemnitaire qui passera sous la coupe du conseil d’administration.
Enfin, l’austérité précède également la privatisation de l’école. En empêchant la création d’un grand service public du temps périscolaire, elle confie au secteur privé le soin de le mettre en œuvre. Au passage, elle organise l’immixtion des intérêts marchands (Total) et parfois religieux à l’école portant atteinte au principe de laïcité. Dans certaines communes de véritables appels d’offres sont ouvert aux entreprises privées pour l’organisation du temps périscolaire comme à Alfortville, commune du sénateur maire PS Carvounas. Nous voyons là le temps passé par les enfants à l’école transformé en marchandise.
C’est du côté de ces évolutions profondes que nous pouvons avoir les inquiétudes les plus grandes car ce qui est ainsi défait sera plus difficile à rétablir que, par exemple, le niveau de salaire des enseignants.
Ce qui est enjeu c’est l’affrontement avec une politique soumise au libéralisme économique, aux dogmes européens de l’austérité mais aussi servile à un programme éducatif défendu par les institutions européennes qui rêvent une école managériale formant, pour répondre au besoin du capitalisme des individus employables et non des consciences émancipées.
1 Commentaire
Méchouar
31 mai 2014 à 18 h 58 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
L’analyse est très très pertinente.
L’expertise du Parti de Gauche indéniable.
Et pourtant tout cela ne sert à rien !
Il ne suffit pas de tracter sur les marchés ou de faire du porte à porte quelques semaines avant chaque élection pour réussir à convaincre que l’on a les bonnes solutions, celles pour demain. Non, parce que c’est dès aujourd’hui qu’il faut agir. C’est chaque jour qu’il y a des problèmes à résoudre.
Les temps sont durs et il est bien difficile de garder « la tête haute ».
Alors quand on a déjà les « pieds dans la merde » et « les mains dans le cambouis » on aimerait bien ne pas se sentir seul ! C’est dans la lutte qu’on reconnait les siens.
Jolie référence à « Matin brun » dans un autre article de ce blog, alors moi c’est aujourd’hui que je rentre en résistance contre la mise en place des rythmes scolaires dans ma commune.
Une goutte d’eau dans l’océan mais les petits ruisseaux ne forment-ils pas les grandes rivières ?